Faut-il être un diplômé de droit pour être Community Manager ?

Qui est responsable des publications, commentaires et réactions sur les comptes, profiles, pages et groupes que vous gérez ?

Internet est devenu pratiquement une zone de non droit. Il faut le reconnaître ; les législations de tous les pays ont du mal à suivre le pas. Le développement des médias sociaux et les capacités de partages rendant virale l’information a amplifié les choses. Des propos et des comportements qui peuvent être condamnés dans la vie réelle passent impunément sur le Web. Cependant, si la plus part de ces personnes s’en sortent à bon compte ; force est de noter que d’autres cas finissent ou peuvent finir devant les tribunaux ; sinon même une condamnation.

Nous allons examiner quelques cas dans cet article

France, novembre 2018

En France, un artiste qui était mécontent des agissements d’un promoteur immobilier avait tenu des propos diffamatoires ainsi que des propos injurieux sur 2 de ses pages Facebook. Le promoteur immobilier porte plainte. En novembre 2018, le Juge du tribunal correctionnel de Pau estime que le titulaire de la page était le directeur de publication. Donc il est responsable de ces propos condamnables. Le juge s’est appuyé sur la loi sur la communication audiovisuelle qui date du 29 juillet 1982 ; une loi qui fait référence en matière de création et de publication de contenu en ligne.

A qui appartient la responsabilité des commentaires sur votre publication ou des publications faites directement sur votre page ?

Est-ce la page qui publie ? Est-ce celui qui fait le commentaire ou bien même la plateforme de média social ? Dans certains pays, Facebook a collaboré avec les autorités pour combattre les propos haineux tel que le racisme, etc. ; bref tout ce qui est interdit par la loi et dont on n’a pas le droit d’utiliser ou de dire dans la vraie vie. En France, la loi dit que c’est celui qui publie (le titulaire de la page) qui est responsable des commentaires en tant que Directeur de Publication de sa page. Ce qui veut dire qu’il a le devoir de modérer les commentaires qui enfreignent la loi. Il ne faut donc pas laisser proliférer les commentaires haineux en se disant que le socionaute est responsable de ce qu’il dit. Vous êtes le directeur de la publication de votre page Facebook. Cela vous engage à de grosses responsabilités parce que vous êtes responsable de tout ce qui est publié et commenté sur votre compte ou votre page Facebook.

Le régime de la responsabilité atténuée dit que dès l’instant où le titulaire d’une page Facebook a connaissance d’un commentaire qui viole la loi, il doit agir promptement pour modérer le commentaire. Les plateformes de médias sociaux lui en donnent en effet les moyens. Votre page est publique et c’est elle avec cette configuration publique qui rend public le commentaire d’un socionaute qui lui peut bien être privé. Vous en n’êtes pas l’auteur mais vous avez une responsabilité sur ce contenu. C’est la loi sur la confiance numérique. 

Estonie, 2015

La cours européenne des droits de l’homme a condamné une site d’information pour non modération de commentaires injurieux. Cela s’est passé en Estonie en 2015

Australie, 2018

Un jeune homme a intenté un procès contre un média car il estime que les commentaires de tierces personnes sur les publications du médias étaient diffamatoires à son encontre. Le jeune homme avait en effet écopé d’une peine de prison. Lorsque le média rapporte les faits, des internautes commentent dont certains de façon excessive. Ce qui n’a été du goût du jeune homme qui a donc porté plainte contre le média. Dans une décision préliminaire, le juge estime que le média est en tort de n’avoir pas masqué ou supprimé les commentaires qui étaient diffamatoires. 

Suisse, 2017

Suite à un like sur une publication, un quadragénaire se retrouve devant le tribunal de Zurich en mai 2017. En effet, il a liké une publication taxant un défenseur des animaux d’antisémite et raciste. Ce dernier porte plainte. Celui qui a liké se retrouve devant le tribunal qui le condamne pour avoir cliqué « j’aime » sur une publication car ; par cette interaction avec la publication, il la faisait gagner en popularité et sera donc vue par d’autres personnes. Je le fais un peu plus simple avec exemple. Une personne A fait une publication attaquant une personne B. Une personne C vient liker la publication. B se plaint contre C sur l’argument que le fait de liker rend la publication plus visible. Le Procureur exige une double-amande à C pour avoir liké et valoriser une publication.

Ce que cela que nous enseigne est que aller liker une publication ou un commentaire condamnable vous condamne en ce sens que vous valorisez et donnez plus d’exposition à cela. 

Jusque là, tous les exemples cités traitent de la responsabilité des socionautes et des responsables de pages. 

Qu’en est-il de la responsabilité des plateformes elles-mêmes ?

Elles ont aussi leur responsabilité. 

Mai 2019, Emmanuel Macron (le Président Français) et Mark Zuckerberg (le PDG de Facebook) ont eu une rencontre qui s’est tenue quelques temps avant un vote des parlementaires français d’une loi sur la cyber-haine. Cette loi entend obliger les plateformes comme Facebook à supprimer les publications jugées haineuses et injurieuses dans un délai de 24 heures sous peine d’écoper d’amendes financières.

Il faut naturellement se demander sur quelle base Facebook ou toute autre plateforme de média social va juger qu’une publication est haineuse et décider de la supprimer. Parmi ces millions et des millions de publications par jour ; comment les plateformes vont pouvoir modérer et supprimer une publication jugée haineuse dans un délai de 24 heures ? N’y a-t-il pas ici des risques sur la liberté d’expression ? Il est vrai aussi que ces plateformes travaillent avec des milliers de modérateurs humains pour masquer ou supprimer les publications et commentaires jugés contre la loi. Ils mettent également à contribution l’intelligence artificielle pour traquer ces genres d’informations mais certaines réussissent à passer par les mailles.

Burkina Faso, 2019, « loi sur les réseaux sociaux »

La loi dite « loi sur les réseaux sociaux » contenue dans le nouveau code pénal peut vous conduire à jusqu’à dix ans de prisons pour diffusion d’informations sur les opérations militaires ; notamment dans la lutte contre le terrorisme.

Toujours au Burkina Faso, des Groupes Facebook d’activisme de défense des droits s’illustrent positivement avec l’espace qu’ils donnent aux socionautes de s’exprimer sur leurs expériences positives ou négatives avec des entreprises ou des institutions étatiques.

Cependant, l’on assiste ces derniers temps à des interpellations d’institutions ou d’individus qui menacent de portent plainte pour diffamation ou divulgation de fausses informations ou de propos injurieux.

Je suggère une prise en charge ainsi qu’il suit. Le plaignant a-t-il préalablement contacté l’entreprise ou l’institution mise en cause sans succès, sans solution ou sans gain de cause ? Sinon, avant de valider la publication, demander au plaignant de le faire. Ces groupes pourraient au besoin réorienter les plaignants vers les entreprises pour d’abord tenter de trouver une solution. Du reste, nombreuses des entreprises qui font l’objet de plaintes sur ces groupes, sont également sur Facebook et sont réactifs.

Il faut le reconnaitre aussi, certains socionautes ne se contentent pas de porter leur plainte ou leur préoccupation dans un langage correct. La forme et l’expression laissent à désirer. Cela laisse « transparaître un règlement de compte » ou une « volonté manifeste de nuire ». J’ai personnellement vu une publication où l’auteur a affiché le numéro de téléphone d’une autre personne. Est-ce que les lois sur la protection des données à caractères personnels autorisent cela ?

Enfin sur cette question, nous notons que ces groupes sont devenus comme des tribunaux. C’est une mauvaise interprétation ou une mauvaise connaissance de leur rôle par certains socionautes.

Côte d’Ivoire, 2019

En côte d’Ivoire, il y a eu le cas emblématique de Diana Ble qui selon les informations a copié un commentaire d’une publication qu’elle a fait sienne en publiant sur son profil. Il s’agit d’information sur la profanation du corps de DJ Arafat. Selon les informations toujours ; malgré ses tentatives d’expliquer qu’elle n’est l’auteur du texte et qu’elle n’était pas mêlée à l’acte de profanation ; malgré ses excuses publiques ; elle a écopé d’un an de prison ferme.

Les cas sont légions et dans un tel contexte de législation naissante sur le digital (si je peux le qualifier ainsi), la loi punira des fois pour faire exemple. Les cas cités plus haut peuvent être loin de nous mais ne nous trompons pas. Nous pouvons très facilement nous retrouver condamnés pour nos agissements sur les médias sociaux.

Alors faut-il être un diplômé de droit pour être Community Manager (CM) ?

Pas nécessairement ; sinon même non. Cependant, il faut de plus en plus vérifier en amont les implications juridiques des actions et interactions sur les pages et comptes des médias sociaux. De la même façon dont les Juristes d’entreprise valident la conformité des messages publicitaires (comme les spots télé ou les affiches) avec les dispositions légales, le CM devrait être informé des dispositions légales et de leurs évolutions sur la création et la diffusion de contenu en ligne ; ainsi que la modération des interactions.

Voici quelques conseils que je donnerais :

  • Modération en amont : Facebook permet par exemple de bannir certains mots-clés sur votre page. Si quelqu’un commente dans une publication en utilisant un mot banni, le commentaire sera automatiquement caché à tous les autres sauf à son auteur. Par exemple, vous pouvez choisir de bannir le mot « merde ». Toute publication ou commentaire contenant ce mot-clé ne passera pas.
  • Modération en aval : suivre et supprimer promptement les commentaires à tendance haineuse, calomnieuse, injurieuse, tendancieuse, fausse, etc. Vous pouvez dans le pire et l’extrême des cas bannir l’individu récidiviste. Je ne suis pas trop pour cette option mais des fois, certains socionautes ne vous laissent pas trop de choix.
  • Demander conseils aux Juristes et rester en veille sur les législations portant sur les activités en ligne. 
  • En tant que socionautes, au delà des likes, des commentaires, du buzz et de la popularité que nous recherchons, nous devons nous interroger sur les conséquences possibles à moyen ou long terme de nos actions. Nous devons nous interroger sur l’impact de nos actions sur les autres et sur la société. Car en réalité, comme son nom l’indique, c’est un média social qui crée des liens et des réseaux sociaux ; mais virtuels.

J’espère que la lecture de cet article vous a plu et vous a apporté quelque chose de nouveau. N’hésitez à laisser des commentaires (constructifs), à rajouter d’autres exemples si vous en connaissez pour profiter à d’autres lecteurs. Les médias sociaux ; c’est d’abord NOUS !

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Boukary Zorom

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