
Ce lundi 10 février 2020, la CENI, Commission Électorale Nationale Indépendante a démarré les opérations d’enrôlements biométriques pour la mise à jour du fichier électoral national du Burkina Faso. Selon son Président M. Newton Ahmed Barry, ils attendent environ 4 à 5 millions de nouveaux inscrits. Ce qui sera un record depuis 2012. Cependant, cette révision se fait dans un contexte sécuritaire difficile. Certaines zones ne seront malheureusement pas visitées par les plus de 5.800 opérateurs mobilisés à la tâche. Du coup (ce qui est logique) le Président de la CENI relativise ses projections. Pour lui, à 2 où 3 millions d’inscrits, nous seront déjà dans un bon niveau. Ce qui restera quand même un record. Je me permets de préciser que le facteur insécurité seul n’expliquera pas si l’objectif des 5 millions d’inscrits n’est pas atteint. Il y a le désintérêt d’une certaine frange de la population sur les questions électorales . J’y reviendrai au cours de l’article.

Cependant, l’objet de cet article ne porte sur la CENI et la révision des listes électorales.
Cet article va traiter des influences négatives possibles des médias sociaux sur les élections couplées présidentielles et législatives au Burkina Faso prévues se tenir le 22 novembre 2020.
Mais avant cela, un rappel sur 2 événements majeurs où les médias sociaux ont clairement impacté des élections dans d’autres contrées.
2016 : élections présidentielles américaines et Cambridge Analytica.
Cambridge Analytica, cette structure qui grâce à des données des utilisateurs obtenues de Facebook a pu influencer des votes. Comment ont-ils réussi cela ? Très simple. En fonction des activités des utilisateurs sur Facebook et sur Internet de manière générale et des modélisations informatiques, ils ont réussi à dresser un profile de chaque votant. Ainsi, ceux qui sont susceptibles de ne pas voter un camp ont été ciblés par la publicité ou des publications les incitant soit à ne pas aller voter ; ou bien de changer d’avis. Je vous invite à lire cet article pour comprendre l’ampleur de l’affaire Cambridge Analytica.
2016 : BREXIT
Le référendum britannique qui devait décider du maintien de la Grande-Bretagne dans l’Union Européenne a tourné à un véritable jeu d’influence sur les médias sociaux. Ce qui est intéressant, c’est que c’est par la peur ils ont réussi à influencer les populations de voter oui pour OUI, quitter l’UE. Ils ont mis en place une véritable campagne de désinformation pour créer la peur et le doute sur l’immigration en provenance de la Turquie notamment.
En images quelques unes des publications sponsorisées et ciblant des personnes bien précises.
Cela témoigne de jusqu’où certains d’entre nous sont des consommateurs passifs manipulés par des personnes et des institutions avec des capacités d’analyse et de ciblage extrêmement fines. Ce qui s’est passé ailleurs peut arriver chez nous également.
Avec un nombre estimé à environs 1,5 millions d’utilisateurs actifs par mois sur les médias sociaux et environ 3,8 millions d’utilisateurs Internet sur une population totale de 20 millions d’habitants, on se demanderait comment les médias sociaux et ces types de pratiques peuvent influencer nos élections. Poussant l’analyse plus loin. La grande majorité des utilisateurs des médias sociaux se trouvent à Ouagadougou et à Bobo-Dioulasso. En terme d’électorat, ces 2 grandes villes sont les principaux « battle fields » électoraux. En 2015, elles ont beaucoup pesé dans l’électorat national. Gagner dans ces 2 villes vous donne une avantage très séreux de remporter les élections. Le tableau étant peint, nous voyons donc les possibilités se dessiner clairement.
Pour moi, il existe 3 champs sur lesquels nos élections peuvent être influencées par les médias sociaux
Profilage politique et ciblage
Il est possible que des forces internes ou externes (aidées par des forces internes) fassent un profilage politique, sociale et économique individuel de chacun des socionautes pour comprendre quelles sont les craintes et les peurs de chaque individu pour un meilleur ciblage. Les types de message qui font peur ou suscitent la crainte ne manquent pas. D’autres formes de publications sponsorisées finement ciblées peuvent inciter les gens à ne pas aller voter parce que leur vote ne changera rien. En matière d’élection, l’expérience à montrer qu’un vrai changement vient d’un bon taux de participation. Les campagnes de désinformation sur les médias sociaux marchent parce que vous êtes le seul à voir ce qui s’affiche sur votre fil d’actualité au moment où vous le voyez. Ensuite, l’information disparait à moins d’une capture d’écran. Le « dark posting » permet même que la publication sponsorisée ne s’affiche pas sur le mur de celui qui l’a publié. Autre élément, il est très difficile de faire des recherches d’informations passées sur les médias sociaux. Rappelez-vous de combien de fois vous avez vu une publication pour laquelle vous vous rappelez de l’essentiel du message mais vous ne vous rappelez pas de l’auteur de la publication ou quels mots-clés à utiliser si vous devez faire une recherche.
L’activisme ou une certaine forme d’activisme qui peut dissuader les inscrits à aller voter
Sur les médias sociaux, nous avons presque tendances à tout critiquer, à tout rejeter sans réellement proposer de solutions ou d’alternative. Cependant, ce que nous ne prenons pas en compte des fois est que d’autres utilisateurs nous suivent et nous croient. Ces personnes qui suivent nos messages à un moment donné ne savant pas réellement quoi faire ; sont perdues et finissent par se dire « ce n’est pas la peine d’aller voter. Ca ne changera rien. Toute façon, c’est les mêmes qui gagnent à chaque fois ». Nous-même à force de dénoncer finissons par ne pas aller voter ou à « faire les votes sur Facebook » le jour des élections. Newton Ahmed Barry dans Dimanche Politique sur Oméga FM le 9 février dernier disait que l’intelligentsia burkinabè est favorable à la démocratie mais de manière globale elle est réfractaire aux élections. Or, l’un des mécanismes de changement et de respiration de la démocratie ce sont les élections.
La campagne sur les médias sociaux n’a pas de limitations sur la durée ou les budgets à injecter
S’il y a des limitations sur les montants qu’on peut dépenser durant les campagnes électorales ; s’il y a des fins de campagnes dans la vie réelle ou aucun candidat ne doit plus battre campagne ; cela ne s’applique par sur Internet de manière générale et sur les médias sociaux particulièrement. Lors des élections américaines de 2016, les Républicains ont dépensé plus de 25 millions de dollars sur la publicité en ligne pour la campagne. Les Démocrates pris de cours ont décidé d’investir plus de 70 millions de dollars à leur tour cette année. Donc, pendant que la campagne est officiellement terminées, c’est sur les médias de façon générale (radio, télé, presse en ligne, médias sociaux) que nous nous rabattons pour suivre la suite des événements. C’est à ce moment là que des messages publicitaires ciblés peuvent créer des influences négatives sur la décision d’aller voter ou pas ou sur le choix final.
Il est vrai que les médias sociaux et Facebook notamment à la suite des différents scandales investissent beaucoup pour limiter l’influence d’un mauvais usage des plateformes de médias sociaux pour influencer les élections. Mais nous devons aussi adopter de bons comportements pour participer à la lutte:
- Signaler et dénoncer tout message qui peut être faux. Typiquement, sur les images portant sur la campagne au cours de BREXIT, il est marqué que l’UE allait ouvrir des négociations d’entrée de la Turquie le 23 juin. Ce qui était totalement faux.
- À défaut de battre campagne pour un camp ou l’autre, encourageons les inscrits à aller voter. Encourageons déjà les populations à s’inscrire sur les listes électorales.
B. Zorom
J’ai le pressentiment que les réseaux sociaux influenceront plus de 30% de suffrage cette année. Les nouvelles technologies sont des Outils puissants a ne pas négliger. Merci pour l’interpellation. Très bel article.
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Merci bien ! Merci pour la lecture et le commentaire. Il faut qu’on ouvre l’œil.
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